Le Val d’Aoste à skis

Il partait mal notre raid à skis dans le Val d’Aoste : énorme retour d’Est qui a déposé plus d’1.50 m. de neige en quelques heures faisant monter le niveau de risque d’avalanches au maximum, le premier refuge complet, un autre fermé pour risque d’avalanche et enfin le dernier refuge qui devrait ouvrir mais ce n’est pas vraiment sûr.

– On y va quand même ?
– Oui, on verra sur place…

Comme le départ doit se faire du refuge du Prariond au dessus de Val d’Isère mais qu’il n’y a pas de place avant le lundi soir, on pose nos sacs pour deux nuits dans les HLE (c’est comme des HLM mais le loyer au lieu d’être « Modéré » est « Exorbitant ») de Tignes Val Claret. L’ambiance est légèrement glauque en ce week-end de Pâques, le temps est bouché, le forfait et les parkings hors de prix et la neige en dehors des pistes damées in-skiable. Mais ça permet à tout le monde de se remettre sur les skis et à certains de voir que leur skiman a complètement merdé dans la préparation de leurs skis.

On reçoit alors un message de la gardienne du refuge qui souhaiterait qu’on accompagne son copain jusqu’au refuge. Particularité de cette « montée » en refuge, elle se fait en descente. Soirée à faire les sacs : emmener le nécessaire, laisser le superflu. Ne prendre que le minimum en acceptant de sentir le vieux bouquetin pendant toute la semaine. On va traverser des glaciers, franchir des cols, gravir des sommets donc on ne peut faire l’impasse sur baudriers, crampons, cordes, etc…

Lundi matin c’est le départ par le télécabine du Fornet au fond de Val d’Isère. Chouette, il fait beau et la petite poudrette tombée dans la nuit est bien agréable. Le forfait 4h. payé à prix d’or (pas de ticket randonneur à Val d’Isère) nous permet de faire quelques petits exercices skis aux pieds qui devraient avoir leur utilité les jours prochains. On récupère Fred, le copain de Sandrine la gardienne, au sommet du Pisaillas afin qu’il ne fasse pas la descente seul jusqu’au refuge. Une fois le Col Pers franchi, on quitte enfin le domaine skiable de Val d’Isère.

Grosse et bonne surprise à la descente, contrairement aux prévisions du BERA la neige est excellente et c’est tout en douceur et avec le sourire aux lèvres qu’on arrive un peu plus bas que le refuge. 15 minutes de peaux plus tard, nous pouvons livrer Fred à Sandrine et nous défouler sur le déneigement XXL du refuge.

Petite animation du soir au refuge : 2 snowboardeurs ayant suivi les traces partant du col Pers, se rendant compte que les gorges de l’Isère ne passaient pas se retrouvent au refuge. Quelques minutes plus tard un hélico de la S.A.F. viendra les rechercher pour 500 €…chacun !

Le lendemain, la météo est au beau et nous sommes les seuls à partir pour le sommet de la Galise, il n’y a aucune trace de montée, la neige est plutôt béton mais ça dénivelle vite jusqu’au col de Bassagne. A partir de là, les grands faux plats et la chaleur nous assomment. 1000 m. de D+ pour la journée mais en ressenti on est bien à 1500 m. ! La descente versant italien est un vrai bonheur : peuf en haut, transfo ensuite.

Le refuge Bénévolo est en vue mais il nous reste encore une épreuve : traverser les énormes coulées d’avalanches descendues les jours dernier. Une fois au refuge, mise immédiate dans l’ambiance avec un plat de pâtes al dente.

Le lendemain rando plaisir avec petit sac car on revient dormir au même refuge. Notre choix s’est porté sur le Grand Vaudala un superbe sommet fait pour le ski. A part un guide et ses deux clients nous serons entièrement seul pour profiter d’une neige hésitant entre poudreuse et petite croûte pour finalement nous offrir une moquette 5 étoiles pour les dernières pentes. Ce soir le refuge est quasi complet 🙁

L’étape du lendemain est un peu compliquée il nous faut changer de vallée par un cheminement où d’après le gardien il faudra passer en crampons car très raide. De plus, personne n’a basculé de l’autre côté depuis la dernière grosse pétée de neige. Pour en rajouter une couche, il fait un temps de chien toute la nuit avec de la neige et un vent à décorner les bouquetins. Dans nos insomnies on réfléchi à tout un tas de plan B plus compliqués les uns que les autres.

Au petit matin, le temps se dégage, le vent se calme et un guide et son client partent une heure avant nous et semble se diriger dans la même direction que nous : la bonne aubaine ! Le guide fera une trace tellement parfaite que, en la suivant, on pourra passer le verrou rocheux sans déchausser. Ensuite nos routes divergent et on se retrouve seuls pour descendre l’immense glacier qui ferme le magnifique Val Grisenche.

De presque plat et poudreuse, la descente devient très raide et parsemée de vieilles avalanches. Le ski devient soudainement plus technique et c’est la langue pendante qu’on arrive à proximité du refuge Mario Bezzi fermé, mais ça on le savait.

Il reste à parcourir le moins drôle et le plus aléatoire à savoir 7 km de vallée très étroite ravagée par les énormes avalanches de la semaine passée. C’est chaud patate et il est 15h bien tassée quand on arrive au gîte de Giasson. On passe aussitôt de l’enfer au paradis : le gîte est un véritable musée, les chambres luxueuses, notre hôte est aux petits soins pour nous et le repas gastronomique.

Une longue étape nous attend le lendemain pour rejoindre le rifugio Degli Angeli géré par la superbe association Mato Grosso qui en plus de gérer quelques refuges dans le Val d’Aoste œuvre pour venir en aide aux populations les plus pauvres d’Amérique du Sud.

C’est un départ à pied, skis sur le sac pendant une bonne heure, ensuite on suit un vague chemin qui traverse de vieilles avalanches puis une montée bien raide qui nous amène à un premier col. Nous sommes seuls encore une fois de plus. Du col, on devine la suite, une descente puis une longue remontée bien raide qui devrait nous amener au refuge. La remontée est interminable, c’est raide, il fait très chaud, ça n’en finit pas. Puis finalement on débouche à un petit col où on voit le refuge perché au bord du vide mais plus bas ! On aura fait 1500 m. de D+ aujourd’hui.

Dans le refuge il fait un froid de canard, le refuge était fermé jusqu’à aujourd’hui, les gardiens sont monté dans l’après midi. Nous ne sommes pas seuls, quelques groupes d’italiens squattent les parois du poêle censées chauffer la salle principale. Mais l’ambiance est des plus chaleureuse et nos gardiens, après nous avoir servi un repas très bon et très copieux (on est en Italie !) sortent les guitares et mettent l’ambiance jusque tard dans la soirée.

Le lendemain, une autre grande journée nous attend mais avec peu de D+, 550 m. sur le papier c’est que dalle ! C’est la descente qui promet d’être longue car on re-bascule en Tarentaise. Dès le début de l’ascension, les problèmes apparaissent, passage raide et exposé où les skieurs devant nous déchaussent. On trouve une solution alternative permettant de passer à skis mais la suite est inquiétante : un couloir très raide au milieu des rochers qui, certes, semble aboutir au sommet mais pas comme prévu dans le topo. Après quelques hésitations on se recale sur l’itinéraire normal qui nous oblige quand même à empiler conversion sur conversion et au final à déchausser.

Une dernière pente débonnaire ou presque nous amènera finalement au sommet du Ruitord à presque 3500 m. point culminant de notre raid. La suite est une magnifique et longue descente sur un beau glacier bien bouché où la neige est restée poudreuse, c’est inespéré pour une fin avril !

Un petite halte bien méritée au refuge du Ruitord d’où quelques poussettes en ski nous amènent à la fin de la neige à 10 minutes du parking, enfin d’un parking, car nos véhicules eux sont stationnés à prix d’or à Tignes pour l’une et Val d’Isère pour l’autre. Quelques coups de stop plus tard, on récupère nos autos et c’est la fin de ce magnifique raid.

Thierry
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