La traversée du Massif Central à vélo

Après La Mer à vélo en 2020, il fallait qu’on retrouve un peu de dénivelé dans nos périples et quand Seb nous a parlé du Massif Central, ça a tout de suite matché. Ensuite, il fallait trouver un itinéraire compatible avec notre cahier des charges habituel, c’est à dire autonomie, pas de véhicule suiveur, accessible au plus grand nombre et tenant en deux semaines. La fameuse GTMC est donc écartée car trop longue et visiblement trop technique, c’est du pur VTT incompatible avec nos sacoches, charrettes. Et en parlant de notre projet à Xavier, grand voyageur à vélo et boss de Vélo Station à Toul, il me tend un numéro de la superbe revue 200 où il est justement question du Massif Central à vélo. L’article commence par l’éloge de la D32…

La D32 dans toute sa splendeur

Cela fait quelques heures qu’on a quitté Issoire par la D32 et c’est vrai qu’elle est superbe cette départementale et surtout elle nous permet de passer tranquillement de la vallée de l’Allier à moins de 400 mètres d’altitude aux hauts plateaux du Cezailler qui dépassent largement les 1 200 mètres. L’objectif, ensuite, est de rester le plus longtemps possible au delà de la barre des 1 000 mètres. Pourquoi ? Car on craignait la chaleur voire la canicule désormais récurrente lors de nos mois d’été, mais on s’est bien gourré cette fois…

Une partie du « convoi » sur la D32

Cette première étape est annoncée par Seb comme « physique » : 40 bornes, 900 m. de dénivelé, un camping incertain à l’arrivée et pas de resto à des kilomètres à la ronde donc repas du soir improvisé sur les réchauds et les gamelles qui font gling-gling dans la charrette. Le plus inquiétant est que le seul camping existant dans le coin, à Compains, n’a jamais répondu aux sollicitations de Seb. C’est un camping GCU, un concept inventé en 1937 par quelques militants de la MAIF (l’assurance des profs) et qui a comme principe la gestion participative des campeurs aux tâches liées à la gestion d’un camping.

Donc en grimpant sur cette D32, chacun se demande premièrement si on trouvera de la place dans ce camping (on est quand même 12 vélos) et quel genre de tâche on va nous confier après une journée de vélo et accessoirement qu’est ce qu’on va manger. Mais on n’est pas trop inquiet car on a avec nous la petite fille d’un des fondateurs du GCU, donc ça devrait le faire.

Brion bas

Il est bien tard quand on arrive au hameau de Brion qui marque la fin de la longue montée depuis Issoire et normalement il ne reste que de la descente jusqu’à l’hypothétique camping. Un panneau « glace » attire mon attention dans ce lieu improbable, quelques cabanes en bordure de la route et un homme qui bricole dans son garage. Une idée me vient…

– Vous savez si on peut passer la nuit ici ?
– Bien sûr, vous pouvez camper là derrière, il n’y a qu’à demander à ma fille.
– Et pour manger ?
– Ma fille peut vous préparer quelque chose.
On apprendra au cours de ce voyage que dans ces régions, quand on vous dit qu’on peut vous « préparer quelque chose », on est rarement déçu…
– Sinon, le camping de Compains, c’est encore loin ?
– Oh, ben ça fait longtemps qu’il est fermé…

En quelques échanges imprévus on vient de gagner 5 km sur le parcours prévu, s’économiser la déception de se retrouver devant un camping fermé et surtout on va commencer notre découverte de la gastronomie auvergnate.

Premier bivouac 3 étoiles

« Vous allez avoir le vent dans le pif » nous avait promis notre hôte le lendemain matin, et il avait raison. Mais c’est largement compensé par les extraordinaires paysages qu’on traverse en toute tranquillité. On a lâchement abandonné la D32 et on trace sur un itinéraire qu’on a imaginé sur carte et qui devrait nous emmener d’ici une dizaine de jours jusqu’à Millau en évitant de perdre trop d’altitude, en restant loin des villes et en empruntant les routes les plus minuscules possible, voire les chemins quand il le faut.

Ce soir on dort à Allanche, au camping municipal. Comme le bourg semble assez important on ne s’inquiète pas trop pour trouver où diner, ce qui s’avérera être une erreur car tout est fermé même l’épicerie. En voyage à vélo, toutes les soirées ne se ressemblent pas…

L’étape du lendemain étant très courte, notre journée commence par le marché d’Allanche où on fait le plein de nourriture, de fromages locaux surtout ! Ce soir on passe la nuit à Neussargues en Pinatelle, un nom très poétique pour un bourg qui l’est moins mais le camping est confortable et on mange « Chez Betty » dans une ambiance très sympa.

L’étape suivante commence par une longue montée car Neussargues est dans la vallée de l’Alagnon, une jolie rivière qui prend sa source en face du Plomb du Cantal et, après un parcours de 90 km va se jeter dans l’Allier au sud d’Issoire. L’étape s’annonçait déjà assez physique mais c’était sans compter sur un problème de rayon sur un des vélos et comme c’est une des rares pièces qu’on n’a pas dans notre trousse à outils il faudra faire un détour par St Flour.

Chateau de Sailhant vu depuis nos vélos

Il est donc assez tard quand on arrive à la ferme des deux Vallées à Fridefont pour y planter nos tentes. L’endroit est assez incroyable, l’accueil également et ça tombe bien car on a prévu d’y rester deux jours.

Séance d’étirements à la ferme

Pour le lendemain, Seb a prévu des activités aquatiques depuis la base nautique située sur le lac formé par le barrage de Grandval. On en profite pour mener une étude comparative des différentes spécialités culinaires locales : truffades, tripoux, pounti, etc..

Le lendemain on reprend notre route vers le sud avec comme objectif Nasbinal mais la météo est capricieuse au point de rincer les tentes juste avant qu’on les démonte, pas grave on les fera sécher durant la pause de midi, sauf qu’un orage nous cueille sur les hauts plateaux de l’Aubrac en fin de matinée. Heureusement, le four à pain communal du minuscule hameau du Cheylaret nous sert d’abri pour faire cuire les pâtes, seule denrée comestible qui reste au fond de la charrette. Il faut dire que l’étape est magnifique mais très sauvage et ne traverse pratiquement aucun village. Mais c’est au moment où on se résigne à se partager quelques paquets de nouilles chinoises qu’on entend un klaxon qui pourrait être celui d’un marchand ambulant, les deux Fred (les plus affamés ?) sautent sur leurs vélos pour attaquer la camionnette et dévaliser le pauvre commerçant qui n’en revient pas.

Les tentes auront le temps de sécher au camping de Nasbinal et ce soir encore ce sera festin dans un des restos du bourg.

Camping de Nasbinal.

Dans tout voyage à vélo, il y a toujours une étape qui ne se passe pas tout à fait comme prévu. Ce sera celle qui nous conduira le lendemain jusqu’à Banassac. Elle s’annonçait pourtant cool, une quarantaine de bornes avec un petit 300 m. de dénivelé, mais c’est vrai qu’en l’absence de routes qui allait dans la direction souhaitée on s’était autorisé à tracer sur des chemins qui semblaient carrossables, enfin pour la plupart…

Les difficultés commencent sur une ancienne voie romaine qui traversent les Monts d’Aubrac. De carrossable elle se transforme en sentier qui traverse les parcs au grand étonnement des vaches locales.

Mais où ils vont ceux là ?

La suite se complique et la dénomination Monts d’Aubrac prend tout son sens…

Les paysages sont fabuleux, on est absolument seuls et la météo menaçante rajoute encore un degré à l’ambiance. On commence à entrevoir la profonde vallée du Lot au fond de laquelle on va passer la nuit. Mais, soudain une des deux charrettes, la monoroue, rend l’âme, cassée en deux.

On est au milieu de nulle part, à au moins dix bornes de la première habitation. Les cerveaux cogitent, tous les outils dont on dispose sont étalés sur le chemin et on entreprend une réduction de la fracture du plateau principal de la charrette en empruntant au passage un bon mètre de fil barbelé sans pour autant abîmer la clôture qui nous sépare des troupeaux.

Tout est réparable…

Comme on n’est pas certain que la réparation va tenir, on répartit tout de même la plupart des affaires transportées dans la carriole estropiée sur les autres vélos, c’est bien d’être nombreux…

La suite est un vrai bonheur, une descente interminable sur une petite route déserte qui nous amène quasiment sans pédaler au camping… sauf que ce n’est pas le bon. Ben oui, il y a eu quiproquo entre notre responsable des hébergements et celui de la cartographie embarquée, ce sont des choses qui arrivent. On a donc le choix entre un camping pas terrible et près de l’autoroute mais avec piscine et un autre peut être mieux mais éloigné de quelques kilomètres. L’assemblée met du temps à délibérer et ce sont finalement les premières gouttes de pluie qui décident, on restera là. Une fois les tentes montées, il se met à pleuvoir pas mal… On finira la soirée dans le resto très chic d’un hôtel 3 étoiles où, il faut l’avouer, on fait un peu tâche avec nos cuissards et nos vêtements de pluie, mais on ne veut rien louper de la gastronomie des régions qu’on traverse.

Le lendemain, le soleil est revenu, heureusement car l’étape s’annonce sportive et spectaculaire. l’objectif est de grimper sur le Causse de Sauveterre et de redescendre dans les gorges du Tarn.

Ça grimpe sec au dessus de la Canourgue mais la suite est paisible, les murets en calcaire ont remplacé les affleurements granitiques du Cantal, on a vraiment changé de région. Et puis on entrevoit la profonde vallée formée par le Tarn et là c’est une descente encore plus folle que la veille qui nous attend.

La folle descente sur Ste Enimie

Sainte Enimie, notre destination est blindée de touristes ce qui contraste avec les journées qu’on vient de vivre sans pratiquement rencontrer personne. Mais il faut quand même avouer que l’endroit est vraiment classe.

L’ermitage de Ste Enimie

On ne pouvait tout de même pas traverser le Tarn sans en descendre une partie en canoë, ce sera donc l’activité du lendemain. Certes nous ne sommes pas les seuls sur l’eau mais cette vingtaine de kilomètres d’eaux vives dans cette étroite vallée est un régal.

L’objectif du lendemain est de grimper sur le Causse Mejean, une journée tout en côte mais on commence à avoir l’habitude et les paysages sont absolument fantastiques.

Ce soir c’est encore camping à la ferme dans le minuscule hameau de la Volpilière, point de resto à des kilomètres à la ronde, ce sera donc un repas du soir improvisé sur les réchauds.

Le lendemain matin la météo est exécrable, on décide donc d’attendre la mi-journée pour lever le camp et on réduit du coup l’étape du jour. Il était initialement prévu d’aller bivouaquer aux abords d’une vieille chapelle en ruines sur le Causse Noir, on se contentera du camping du Rozier et son choix de restos plus attirants les uns que les autres, c’est les vacances non ?

L’étape est courte mais incroyable ! La descente de St Pierre des Tripiers jusqu’au bord de la Jonte est tout simplement magique mais il faut avoir confiance dans les freins de son vélo et ne pas être sujet au vertige.

Le lendemain le beau temps est revenu, la journée s’annonce de nouveau assez physique puisqu’il faut grimper sur le Causse Noir par une petite route en lacets. Durant cette longue montée, on fait la rencontre d’un groupe de cyclistes belges avec une tripotée de gamins, ça rappelle de bons souvenirs.

Sommet européen

Le vent de face, les gravillons, des « micros côtes » bien cassantes nous cassent un peu les pattes mais soudain on voit en dessous de nous Millau, terminus de notre périple. Ah bon, c’est déjà fini ?

Le retour vers Issoire se fera en camionnette de location pour les douze vélos, en bus et train pour leurs propriétaires. Durant ces deux semaines on aura parcouru 333 km avec un peu plus de 5300 m. de dénivelé principalement sur des petites routes désertes, de temps en temps sur des chemins plus ou moins carrossables, on a rencontré très peu de monde et surtout on en a pris plein les yeux !

Notre périple (cliquable pour plus de détails)
Collector !

Thierry
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5 réponses

  1. Ah ben enfin du dénivelé plus raisonnable ! Pour maintenir cette tendance à la décroissance (du dénivelé), le massif armoricain me semble tout indiqué.

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